Depuis la nuit des temps (oui je suis très très vieille), j’ai toujours vu les couples hétéros, autour de moi, s’engueuler avec les mêmes phrases :
En emménageant avec l’amoureux, j’ai commencé à faire les mêmes constats : il ne fait pas le ménage, il s’en fout que la maison soit en bordel, qu’on tombe en rade de PQ, qu’on mange des légumes ou pas. Je me tapais tout à la maison si je voulais pas vivre dans un taudis, lui passant par-dessus un tas de linge sale pendant trois jours sans même le remarquer (true story). Les rares fois où il participait, il faisait mal et ça prenait des plombes. J’avais l’impression qu’il me prenait pour la bonne, du coup j’ai naturellement fait ce genre de reproches aussi.
De son côté, tout ce qu’il avait à répondre était à base de
Et encore, j’ai de la chance, beaucoup se reçoivent du
Comme si c’était pas du boulot de tenir une maison en ordre, sans même parler de celles qui ont un emploi en plus de tout ça.
On a passé quelques années sur ce schéma-là, et honnêtement ça ne menait pas loin en termes de résolution. Et quand un schéma ne fonctionne pas, pourquoi continuer ?
Comme je suis quelqu’un qui cherche toujours à comprendre le pourquoi du comment, je l’ai questionné, j’ai creusé, je me suis beaucoup renseignée sur la charge mentale. Mes lectures m’ont appris un concept assez simple et qui pourtant explique tout : les conditionnements genrés.
Tu sais, les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus, blablabla. C’est pas si faux en fait. C’est un peu comme si on ne parlait pas la même langue.
Ils sont élevés pour se tourner vers l’extérieur : traditionnellement, l’homme sort de la maison pour chasser le salaire, s’occupe de tondre la pelouse et répare la bagnole.
Dans la tradition, elles restent sagement à l’intérieur : elles rangent, nettoient, cuisinent et veillent à ce que toute la famille se porte bien.
Depuis l’enfance, on ne nous traite pas de la même manière, on ne nous apprend pas le même alphabet de la vie quotidienne. Difficile après ça de se comprendre, tu m’étonnes
Ce que j’ai pu lire expliquait effectivement ce que j’avais pu voir dans tous les foyers hétéros, que j’ai fréquenté d’assez près. J’ai questionné l’amoureux : idem !
Son linge apparaissait comme par magie plié et rangé dans l’armoire, les draps se changeaient tous seuls, et il y avait toujours des trucs vachement bons à table ou dans le frigo. La petite fée qui se cachait derrière tout ça, je te le donne en mille : c’était sa mère.
Guerrière de l’invisible, debout avant tout le monde et au lit la dernière, elle a toujours tenu une maison impeccable, cuisiné, les a emmené au sport, en vacances et chez le médecin, et eux, n’avaient qu’à poser les pieds sous la table. Bien sûr, le tout en ayant un boulot à plein temps à côté.
Quand j’ai récupéré l’énergumène, il croyait toujours à la magie – il a vécu seul quelques temps, bizarrement les draps sentaient moins bon et les repas étaient moins variés et équilibrés – donc il attendait que la fée (moi) fasse son travail. Mais ça n’allait pas se passer comme ça !
Bon ok c’est bien mignon, mais une fois qu’on a compris ça on en fait quoi ?
Déjà, on prend le temps d’assimiler que ça n’est la faute de personne. Pas la sienne, de ne pas avoir reçu cet apprentissage, pas celle de ses parents non plus, de ne pas lui avoir réellement transmis. On se rappelle que chacun•e d’entre nous est conditionné par un système, et donc, que ça ne sert à rien de blâmer qui que ce soit. Il ne te viendrait pas à l’idée d’engueuler une personne étrangère, parce qu’elle ne te comprend pas quand tu lui parles ? Bah là, c’est un peu pareil.
Quand j’ai compris qu’on ne l’avait simplement pas éduqué à prendre soin de sa maison, j’ai décidé d’être plus indulgente envers lui. Et du coup, pour arriver à mes fins, j’ai dû lui apprendre mon langage, ce qu’on m’avait appris, à moi. Je lui ai expliqué que la fée du logis, c’est comme le père Noël, ça fait rêver quand on est petit•e•s, mais à un moment, il faut bien se rendre à l’évidence, la vie n’est pas si magique que ça.
Mais surtout ce qui a changé depuis ce moment-là, c’est que quand je suis excédée et que j’ai besoin qu’il comprenne ce qui me dérange, je ne l’accuse plus lui, en tant qu’individu. Je lui rappelle que ça n’est pas de sa faute, qu’il n’est pas coupable du problème, mais par contre, qu’il a une responsabilité dans sa résolution. Et ça, ça a changé la donne. Vraiment.
Qui a commis une faute, un crime, en parlant d’une personne.
Condamnable, en parlant d’une chose abstraite comme un sentiment, une pensée, une action, etc.
Qui doit répondre de ses propres actions ou de celles des autres, qui doit être garant de quelque chose
POUR LUI
Il ne se sent plus attaqué ou dévalorisé sur ce qu'il est , lui, et n'a donc pas besoin de chercher à se défendre
Il n'a plus peur de moi et de mes gueulantes
Au contraire, en lui proposant de prendre ses responsabilités, il se sent valorisé et passe à l'action sans rechigner (ou presque) !
POUR MOI
En le diabolisant moins en tant qu’individu, je le déteste moins. Et moins je le déteste plus je l’aime, CQFD
Faire preuve de plus d’indulgence me détend au final. Alors oui tout ne sera pas fait, ou pas parfait. Mais finalement en vouloir à l’autre c’est générer de la colère et donc se faire souffrir soi même
Challenge réussi, puisque quand on s’engueulait, il finissait par faire les choses parce qu’il avait peur de moi, mais il ne comprenait pas le pourquoi du comment. Alors que là, il COMPREND ! Et donc les efforts qui suivent s’installent plus facilement dans la durée.
Bonus non négligeable :
en faisant ça, je le sensibilise au problème patriarcal et je le transforme petit à petit en super allié féministe !